Ce jour fut un grand jour. Aujourd’hui fut merveilleux. Je suis sortie de la grande ville. J’aimais notre grande ville, oui je l’estimais. Je l’estimais parce qu’elle nous accueillait tous d’une égale façon. Nul ne s’y sentait vraiment seul mais tous s’y sentaient à l’étroit. C’est que nous y logions nombreux. Certains même trouvaient demeure sur ses rebords, en elle, et en marge de tous. Oui nous l’aimions. Nous l’aimions au point d’y souffrir. Nous la chérissions en dépit de notre épuisement. Notre grande maison veillait sur nous. Notre sommeil se savait gardé. Cette année fut éprouvante pour notre grand foyer. Beaucoup d’aimés sont tombés. Notre maison pleurait l’abandon. Notre cœur criait sa douleur, notre voix était impuissante à décrire notre malheur. Mais notre grande amie était toujours là, à égayer nos cœurs de mille couleurs.
Alors encore nous la contemplons, et, figés sur le passé, nous envisageons l’avenir. Depuis quelques jours, depuis quelques semaines, les rêves se sont interrompus. Notre grande famille était hébétée, défaite de tout horizon. Quand cela finira-t-il ? Et surtout pour y retrouver quoi ? La réponse était sans doute là devant nous. Nous retrouverions ce que, dans notre action ou notre torpeur, laisserions, ce que notre volonté ou notre résignation façonnerait.
Ce jour-là, je me demandais dans le train ce que ressentaient les gens autour de moi. Je les observais dans leur silence. Leur sommeil semblait plein d’attente, leur attente pleine d’espoir et notre destination pleine de promesses. Lorsqu’arrivés à quai, tous nous descendîmes, je rencontrai ma voisine d’immeuble. Sa famille habitait Rennes eut elle besoin de dire. La mienne habite Paris répondis-je bêtement. Ma famille est Paris pensai-je fièrement.
Mais bienfaisante est la verdure, cet autre refuge, cette consolation. Quand le premier, l’aîné devient trop pressant, le plus jeune se montre plus patient. La promenade était belle, les couleurs de ce premier jour d’hiver étaient, elles, encore indécises, tenir ou disparaître. S’éteindre pour mieux renaître.
C’est ce que nous avions sans doute tous en tête ce jour-là dans le train. Nous le savions sans vraiment le saisir, nous le faisions sans le définir parce que c’est ce que l’humanité avait toujours fait.